Bâtie par un soldat français en 1688, L’Auberge Saint-Gabriel, première vraie « auberge » en Amérique du Nord, a défié le temps. Tombée à l’abandon, elle est récupérée par l’homme d’affaires suisse Marc Bolay dans les années 1980. Garou et Guy Laliberté se joignent comme propriétaires et insufflent un vent de changement, à grands coups de rénovations. Relookée, L’Auberge Saint-Gabriel retrouve sa noblesse dans les années 2000. Mais les lieux sont peu visités, il manque encore quelque chose à l’endroit…
Il fallait un chef. Un maestro. Un patron. Et l’auberge trouve le sien en Éric Gonzalez, chef français réputé qui cherche sa voie à Montréal… « J’ai connu des hauts et des bas, c’est dans les bas que l’on comprend des choses, qu’on gagne en sagesse », avoue Éric, qui a lancé son premier livre de recettes, Audaces, mercredi. Arrivé de la France, le chef Gonzalez débarque au chic restaurant Maxim’s à New York, pour ensuite tomber « follement amoureux » du Québec. Il enchaîne les expériences à Montréal, passant du Lutecia, au Cube, au Xo, puis au Ferreira et au restaurant Chez Laloux.
Lorsqu’il rencontre Marc Bolay qui lui parle de la renaissance du Saint-Gabriel, il comprend qu’il doit faire le saut… sans filet. « Les trois associés voulaient revamper la cuisine, explique Éric. L’Auberge était encore perçue comme un piège à touristes, il y avait beaucoup à faire… J’ai vu les étoiles dans les yeux de Marc quand il parlait de ce qu’il voulait faire, je me suis dit okay, c’est du sérieux. »
Trois ans plus tard, ce joyau du patrimoine québécois fourmille d’activités, jour et nuit. Les salles de réception sont réservées des mois à l’avance, le bar et le lounge sont courus, la discothèque Le Velvet, logée au sous-sol, est remplie à craquer le week-end – et surtout, le restaurant de L’Auberge Saint-Gabriel est devenu une table réputée. « L’Auberge a une histoire, elle a une âme, dit Éric, père d’une fillette de 5 ans. Ce que je veux, c’est lui rendre hommage. Ma cuisine s’inspire des lieux. C’est de la gastronomie qui apporte du bien-être, du bonheur, servie avec classe et délicatesse. »
Depuis trois ans, le chef, qui a reçu une étoile Michelin à l’âge de 27 ans, s’applique à peaufiner son art au Saint-Gabriel. « Ma cuisine évolue tous les jours, je ne veux pas sombrer dans le confort, dit-il. De toute façon, ce n’est pas dans mon caractère. Je suis curieux, j’aime découvrir et faire découvrir ». Au fil des pages d’Audaces, un livre de cuisine de 240 pages et de 80 recettes, on en fait, des découvertes : un spaghetti carbonara revisité, un saumon fondant, une salade de pommes de terre « moderne », un macaroni au fromage garni et un mi-cuit au chocolat sans gluten… Compliquées, les recettes du chef? «C’est une cuisine réfléchie à la portée de tous, précise Éric. Oui, certaines recettes sont plus longues, mais il ne faut pas être un expert pour les réussir ». Audaces est un amalgame de plats réinventés, d’ingrédients surprenants, de techniques originales et de trucs pratico-pratiques. « C’est un livre qui pique la curiosité, résume Éric. Mon souhait le plus cher, c’est qu’il devienne votre meilleur allié en cuisine, qu’il soit taché, sale et collant ! »
Questions éclairs à un chef intrépide
Votre cuisine en trois mots? Émouvante, sincère et vraie.
Les chefs qui vous inspirent? Normand Laprise et Daniel Vézina, deux chefs qui ont fait énormément progresser le Québec. Marc-André Jetté et Patrice Demers du restaurant Les 400 Coups : c’est mon duo coup de cœur. Thierry Rouyé du restaurant La Porte, un homme discret de grand talent.
Vos restaurants fétiches? Le F Bar avec le très génial Gilles Herzog. Les sushis de Tri Express sont les meilleurs en ville. Le bistro Au cinquième péché tenu par Benoît Lenglet. Et j’adore ce que fait Alexandre Gosselin au restaurant Chez Victoire.
Un aliment coup de cœur? Je pousse beaucoup l’œuf ces temps-ci… Récemment, je l’ai servi tiède chaud avec un braisé de bœuf…
Audaces est publié aux Éditions de l’Homme.
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