Émilie Villeneuve : le casse-croûte tatoué sur le cœur

Il fallait être un peu fou : partir à la découverte des casse-croûtes du Québec était un ambitieux projet. Croquer des photos authentiques de ces endroits typiques et aller à la rencontre des gens qui les habitent représentaient un travail titanesque. La journaliste Émilie Villeneuve et son acolyte photographe Olivier Blouin ont foncé dans l’aventure, tête baissée. En un an, ils ont parcouru 7 000 kilomètres sur les routes du Québec, pris quelque 10 000 photos (350 se retrouvent dans le livre) et jasé avec les artisans des shacks à patates pendant plus de 200 heures. Dans Moutarde chou, paru la semaine dernière, ils racontent leur folle épopée, levant le voile sur les secrets des meilleurs greasy spoons de la province.

Le résultat ? Un ouvrage de 224 pages qui célèbre la relation entre les Québécois et leurs casse-croûtes : les photos sont sublimes (elles composent 70% du livre) et les soixante portraits présentés sont touchants, sincères. La plume d’Émilie Villeneuve rend hommage aux travailleurs, à leur passion et leur dévouement. « Le lien entre eux et leur casse-croûte est très fort, explique Émilie Villeneuve, 31 ans. Le plus important, dans le livre, ce sont les gens et leur travail. » En feuilletant Moutarde chou, impossible de ne pas se laisser envahir par des souvenirs d’enfance : un casseau de frites huileuses à la roulotte de notre village d’enfance, un hot dog steamé englouti dans un gradin au parc, une crème molle dégustée avec la famille dans la voiture…

Ce sont précisément le souvenir de ces émotions qui a guidé Émilie et Olivier, deux amis du secondaire, dans leur quête. « Dans la vie, je suis une foodie, dit-elle, en riant. Dans le cadre de mon travail, j’ai interrogé des chefs. Je me suis rendue compte que leur engagement pour ce métier partait du désir de susciter une émotion, de créer un souvenir… Or, il n’y a rien qui touche plus les sens que la frite du casse-croûte ! C’est relié à l’affect ». Pour faire grimper le plaisir, les auteurs ont inclus trente-trois recettes : poutines aux crevettes, fraises à sundae, fish and chips, guédille au poulet, moutarde sucrée, pâté chinois et sauce à poutine, entre autres. Certaines recettes ont dû être pratiquement arrachées à leurs créateurs : « Ce sont des recettes secrètes qui se passent d’une génération à l’autre », confirme Émilie, en avouant connaître certaines épices contenues dans des sauces Michigan... Mais motus et bouche cousue.

Enceinte de six mois et maman d’un petit garçon de 3 ans, la jeune femme demeure en contact avec les « héros » de ses histoires. « Nous sommes tombés amoureux de ces gens, dit-elle. On s’appelle souvent ! » Même s’il n’est pas question « pour le moment » d’un tome deux, la journaliste confie qu’elle a un autre projet de livre (lié à l’alimentation) en tête – mais pour le moment, elle savoure le succès de Moutarde chou en flattant son ventre arrondi.

Questions éclaires à une experte en frites

La meilleure poutine ? « C’est le mix de trois ingrédients : la frite du Casse-croûte du Connaisseur (Tadoussac), la sauce de Chez Cathy (Rivière-au-Renard) et le fromage de La Vache à Maillotte comme Chez Morasse (Rouyn-Noranda). »

Le casse-croûte le plus authentique ? « La succursale de Dic Ann’s sur le boulevard Pie IX à Montréal n’a pas changé de menu ni de décor depuis 1956. »

Le plus gourmet ? « La Cantine de la mer à Saint-Fabien. Il est géré par deux chefs de formation et on y sert des produits de la mer façon fast-food, comme une super guédille au homard. »

Le plus inusité ? « Chez Cathy, à Rivière-au-Renard. On offre le service à l’auto avec des cabarets en aluminium qu’on accroche au châssis de la voiture. »

Moutarde chou, histoires, recettes et secrets des meilleurs casse-croûtes du Québec est publié aux éditions Cardinal.

Crédit photo : Alexandre Trudeau pour at.images